Les musées britanniques veulent remettre leurs cadavres au placard

Ils ne veulent plus considérer les momies comme des objets d’art et d’histoire. Certains conservateurs de musées britanniques souhaitent que l’exposition de tout corps humain soit réglementée, voire interdite.

 

Les musées britanniques se débattent avec un cas de conscience : faut-il ou non exposer des restes humains si ceux-ci appartiennent à l'Histoire? Cette question, ils se la sont peut-être posée tout au long de ces 200 dernières années, mais c’est aujourd’hui qu’ils retournent leur veston.


Le Musée de Londres explique déjà que, "par principe, les squelettes ne sont pas placés à des endroits leur procurant une certaine intimité".


Le Bristol City Museum & Art Gallery va lui aussi prochainement publier sa position sur la question. Selon Tiffany Jenkins, auteure de ‘’ Contesting Human Remains in Museum Collections: The Crisis of Cultural Authority’’ (Routledge, Nov. 2010), et qui signe un reportage dans The Independent, le personnel des musées et les conservateurs sont de plus en plus gênés par la présence de corps dans les musées. En attendant qu'une décision soit prise pour les retirer des expositions, ils veulent multiplier les panneaux d'alerte annonçant la présence de restes humains visibles ou contenu dans un sarcophage par exemple.


Après tous les efforts et, selon la légende, les malédictions qui ont frappés les archéologues, vouloir donner une intimité artificielle aux momies peut paraitre ridicule. D'autant que des voix s'élevant pour faire respecter le sommeil des morts célèbres se sont faites entendre de tout temps.


Respect de la sensibilité des vivants


Depuis les indépendances des anciennes colonies, beaucoup de pays nouvellement indépendants ont aussi demandé a ce que leurs morts célèbres leur soient rendus afin qu'ils puissent - eux-mêmes - reconstruire et célébrer leur histoire.


Mais si les conservateurs veulent cacher les cadavres ce n'est pas tant par respect des morts que par respect pour la sensibilité des vivants. Aujourd'hui, on ne côtoie plus la mort comme on la côtoyait avant. Pour la plupart d'entre nous elle est surtout romancée dans des films à grands spectacles. La vraie mort est souvent cachée derrière des murs d'hôpitaux et les cimetières s'étendent principalement sur des territoires circoncis, même si d'anciennes tombes peuvent encore être trouvées dans le centre de Londres, à deux pas du Musée de Londres d'ailleurs, dans un petit square.


‘’La place d’un corps est au cimetière’’

 

Le même Musée de Londres avait, en 1998, organisé une exposition exclusivement consacrée aux corps des Londoniens et son évolution à travers les âges. Évidemment, de nombreux restes humains avaient été montrés au public.


Et en 2009, une exposition avait notamment fait scandale en France. "Our body/A corps ouvert" - proposant des corps disséqués - a été interdite par le juge Louis-Marie Raingeard pour "atteinte illicite au corps humain". Il a tenu à ajouter que ‘’la place d’un corps est, selon la loi, au cimetière’’. Certaines associations affirmaient qu'ils étaient ceux de condamnés à mort chinois et donc qu'aucune autorisation n'avait été accordée.


La question de l'interdiction s'est aussi posée à Londres, mais elle a été classée sans suite. La provenance des corps posait notamment question.


90% ne sont pas gênés par les cadavres au Musée


Mais à trop vouloir cacher la mort, les conservateurs oublient que ces momies et autres dépouilles historiques font partie de l'attraction des musées, estiment Tiffany Jenkins. "Elles attirent en particulier les familles avec des enfants", selon elle.


Toujours d'après la chercheuse, 90% des gens interrogés par la Fondation pour l'héritage britannique ont dit ne pas être dérangés par la présence de restes humains dans les musées.


Pour Tiffany Jenkins, cette frilosité des conservateurs n'est pas uniquement dommageable pour les visiteurs de musées, elle l'est aussi pour la Science et l'Histoire : "retirer [les restes humains] prouve que la recherche n'est plus une priorité".


La chercheuse engage donc les visiteurs à remplir les questionnaires de satisfaction à la sortie des musées ou tout simplement à demander au gardien où il cache les squelettes.

 

marie.billon@gmail.com

 

Photos, droirs réservés
 

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