Près de 80.000 personnes demandent chaque année à obtenir la nationalité britannique. Un chiffre élevé qui a décidé les gouvernements successifs à prendre des mesures restreignant et rendant plus difficiles l’accès à la citoyenneté. Les tests de vie pratique, appelés « test de vie au Royaume-Uni» ont été introduits par les travaillistes en 2005. Mais les conservateurs, aujourd’hui au pouvoir, veulent encore plus durcir les conditions d’accès. Ils réfléchissent à introduire un test de culture générale. Une idée que les associations d’aide à l’immigration trouvent aussi malvenue qu’inutile.

Ils sont tous deux Britanniques, mais ils ont leurs racines ailleurs. Habib Rahman est né au Bengladesh. Il est arrivé à Londres pour ses études à 20 ans et a tenu à obtenir la double nationalité, 10 ans plus tard. Peter Gold, lui, est d’origine polonaise. Ses grands parents sont arrivés en Angleterre au début du siècle.

Habib Rahman
J’aime ce pays, avec toutes ces imperfections, c’est chez moi. C’est mon pays mais je suis un Britannique asiatique, c’est comme ça que je vois les choses, même si je plus Britannique que Bengalais puisque j’ai passé ma vie d’adulte ici.
Peter Gold
Je suis fier d’avoir un passeport britannique

S’ils ont tout deux des origines étrangères, ils n’ont pas du tout la même conception de la citoyenneté britannique. Habib est le directeur du Conseil pour le bien-être des immigrants, une association d’aide aux migrants. Peter Gold est le président du groupe conservateur de la municipalité de Tower Hamlet, un arrondissement du sud de Londres. C’est lui qui décerne les certificats de nationalité britannique. Mais pour lui, ces papiers sont donnés trop facilement aujourd’hui.

Peter Gold

Je pense qu’il faut rendre les choses plus difficiles. Il faut s’assurer que ceux qui veulent devenir Britanniques savent ce qu’être Britannique signifie. Je crois qu’il faut qu’ils montrent qu’ils comprennent le pays et ses traditions. Mais je vois que le gouvernement veut arranger les choses, et je suis curieux de voir ce qu’ils vont proposer pour ça.

L’idée qui a le plus retenu l’attention du public est un test de culture générale sur
l’histoire, la littérature et l’art britanniques. Si pour l’instant aucun indice officiel
sur le genre de questions éventuelles n’a filtré, des exemples officieux circulent déjà sur internet. On y trouve des questions comme : quel roi a défait les Vikings à la fin du IXème siècle ? Ou qui a été le premier Premier ministre ?

Habib Rahman

J’ai demandé à notre chef de la communication, qui a un master en Sciences sociales, de faire ce test, et il n’a pas réussi. Donc si une majorité de gens ici, de gens éduqués, ne sont pas capables de réussir cet examen, pourquoi demander ça aux migrants ?

Sur ce point, Peter Gold n’a rien à dire, il déplore lui-même le niveau de culture générale de ses concitoyens. Mais là n’est pas la question.

Peter Gold
Vous pouvez travailler ici avec un permis de travail sans devenir Britannique. Donc si vous voulez devenir Britannique vous devez comprendre l’identité du pays auquel vous voulez appartenir. Après tout, qu’y a-t-il de concret dans un pays ? On ne peut pas dire le symbole de la Grande-Bretagne est tel ou tel édifice. Ce sont les traditions qui font ce pays : pourquoi sommes-nous une monarchie constitutionnelle ? Pourquoi roulons-nous à gauche ?

Pour Habib, c’est passer côté de l’essentiel.

Habib Rahman
Une société est faite de personnes très différentes. Il peut y avoir quelqu’un de très bien, qui travaille très dur, mais qui ne saurait pas répondre aux questions de ce test. Par contre, un voyou, un élément anti-social, peut réussir ce test. Alors comment mesure-t-on la qualité d’un citoyen ? Pas à travers un test mais en regardant ce que la personne apporte à la société.

Cela fait pourtant près de 10 ans que ces tests existent. Celui qui est en vigueur aujourd’hui est le Life in the UK test, le test sur la vie au Royaume-Uni. Un manuel est donné au candidat qui devra, par exemple, connaître le rôle du parlement. Selon Habib, 40% échouent déjà à cet examen. Mais pour Peter Gold, beaucoup passent encore entre les mailles du filet et ne sont pas armés pour la vie ici.

Peter Gold
Une femme qui ne devait pas avoir plus de 35 ans n’a pas compris ce qu’on lui demandait quand on lui a dit de décliner son nom et de lever la main droite lors de la cérémonie de nationalisation. Elle ne comprenait rien. Je me demande comment elle a pu passer ce test ou même savoir ce qu’elle était en train de faire.

C’est sur cet exemple extrême que Peter Gold se base pour demander une régulation plus forte :

Peter Gold
Ce qui m’inquiète c’est que certains ne veulent pas faire partie du Royaume-Uni. Ils se transplantent d’un pays à l’autre. Résultat ils sont ici, mais ils ne sont pas vraiment là.

Pour Habib, cela ne signifie qu’une chose :

Habib Rahman
Ils veulent une personne formatée. Or les gens qui viennent ici sont tous très différents.. Ce ne sont pas tous des professeurs d’université. Il y a des gens qui peuvent avoir des emplois qualifiés d’autres pas. Donc leurs capacités intellectuelles sont variables, mais leur contribution dans la société ne doit pas être méprisée.

Finalement, ce qui différencie Habib et Peter c’est une chose très simple. Pour le premier, le candidat à la naturalisation doit vouloir être un bon citoyen. Pour Peter, il doit vouloir être un bon citoyen britannique. C’est pour cela qu’il espère que ce nouveau test sera rendu obligatoire. Le gouvernement devrait rendre ses conclusions dans quelques mois.

Diffusé sur RFI

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