Au beau milieu d’un quartier défavorisé de l’est de Londres, entre les grands immeubles gris et les petites maisons en mauvaises états, les Londoniens peuvent saluer veaux, vaches et cochons : la ferme de Stepney Green est une joyeuse anomalie dans la ville, il existe, dans la capitale britannique, une dizaine de fermes citadines comme celle-ci. Construite en 1979 sur un terrain largement bombardé pendant la Seconde mondiale, la petite ferme de Stepney Green s’est développée sous l’impulsion de la communauté locale. Accueillant une cinquantaine d’animaux, des poules aux chèvres, en passant par deux vaches, la ferme veut aujourd’hui se rendre encore plus au service de la communauté locale. Avec de nouveaux fonds, elle va ouvrir une épicerie et un café. Elle restera comme toujours ouverte à tous sans droit d’entrée, pour le plaisir et l’étonnement des petits et des grands citadins.

Ils sont des dizaines à venir voir les animaux dès que possible. Et ce qui intéresse le plus les enfants du quartier, ce sont les vaches et les ânes, parce qu’ils acceptent sans rechigner l’herbe ramassée sur les petites chemins entre les enclos. Et quand les fermiers, comme Keith, sont là, ils n’hésitent pas à expliquer aux petits curieux à quelles bêtes  ils ont à faire et surtout, à quoi elles servent.

Keith
Parmi les enfants qui viennent ici, il y en a certains qui mangent peut-être de la viande, mais qui ne savent même pas qu’elle provient d’animaux. Ils n’ont jamais vu une poule vivante, certains n’en ont même jamais vu en image, et s’ils en ont vu, ils n’ont pas fait le lien. Nous essayons donc de leur montrer ce qu’est la nature pour qu’ils en soient plus conscients et qu’ils la respectent aussi.

Pour sensibiliser le plus d’enfants possible, certains travailleurs de la ferme vont parfois dans les écoles du quartier pour expliquer aux jeunes générations ce qu’est une ferme. Parfois, ce sont les écoles qui viennent à eux.

Karen
Ce quartier, Tower Hamlet, a, je crois, l’un des taux d’obésité infantile le plus élevé d’Angleterre ou de Londres en tout cas. Les gens mangent vraiment mal. Juste à coté d’ici, il y a un fast foot spécialisé dans la vente de poulet frit. Les enfants se précipitent pour manger ce genre de nourriture peu saine. Alors l’un de nos travailleurs sociaux fait venir des écoles ici pour leur donner des cours sur le cycle de développement des poules.

Mais l’endroit n’intéresse pas que les jeunes générations, car la ferme loue aussi des petits lopins de terres aux familles pour qu’elles puissent faire pousser leurs propres légumes. Miftar en a enfin obtenu un la semaine dernière.

Miftar
Je vais cultiver des fruits et des légumes bios, des produits anglais et d’autres du Bangladesh. Ce sera pour ma consommation et celle de ma famille. Pour l’instant ça me coûte 20 livres par an parce que je viens de perdre mon emploi, mais d’habitude c’est 30 livres. Mais vous savez 20 ou même 30 livres ça va parce que ce que vous en tirez, c’est incroyable. Mais, je continuerai à faire des courses au supermarché, ici ce sera plutôt pour faire des soupes ou des confitures.

La ferme de Stepney Green, se veut vraiment la ferme de la communauté. Et dernièrement, elle a obtenu des subventions avec lesquelles elle est en train de monter un projet pour aider les personnes sans emploi.

Karen
Actuellement, nous recherchons une dizaine de personnes au chômage depuis longtemps pour qu’elles viennent planter des fruits et des légumes ici et dans des terrains alentours. Par exemple, si une école a un emplacement, ou une maison de retraite, ou une personne âgée qui ne peut plus s’occuper de son jardin. Ils utiliseront cette espace, ils garderont aussi une ou deux poules peut-être. Ensuite, ils pourront manger leur produit ou les vendre pour gagner de l’argent.

Mais la ferme elle aussi a besoin de rentrer de l’argent pour continuer à nourrir les animaux.

Catherine
La majorité des revenus que génèrent les animaux viennent des œufs. Pour le dernier trimestre, nous avons gagné 1000 livres sur ces ventes.

Karen
Nourrir les animaux nous coûte 1500 livres par mois, donc 1000 livres en trois mois ne nous aident pas beaucoup.

Alors, la ferme a trouvé la formule idéale : faire payer les volontaires pour avoir le droit de travailler ici. Une idée bizarre que tout le monde approuve quand Karen précise que ce sont en majorité des banquiers qui sont concernés.

Karen
Des entreprises de la City ou de Canary Warf envoient leurs employés ici pour la journée. Ca leur fait un jour loin de leur bureau et ils font de la peinture, ils creusent, ils balaient, ils nettoient, ils construisent des abris. En fait, ils aident à faire les gros travaux pour lesquels nous n’avons pas assez de main d’œuvre. Et ils adorent ça, hier l’un d’eux me disait : « c’est super de voir un résultat ». Nous pourrions avoir des groupes tous les jours, il y assez de demandes, mais il faut qu’ils soient supervisés et nous voulons rester disponibles pour les écoles et les visiteurs occasionnels. On n’est pas assez pour tout ça !

Finalement, la ferme de Stepney Green s’en sort plutôt bien. Il n’y a qu’un problème qu’elle ne pourra pas régler : elle a beau cultiver bio, elle reste entourée de voitures. Pour les fruits et légumes, l’impact est minime selon les cultivateurs, et largement compensé par l’absence totale d’utilisation de pesticides. Les animaux, eux sont complètement habitués. On dit des vaches qu’elles aiment regarder passer les trains, là ce sont les black cabs et les bus rouge que les ruminants scrutent sans en être déconcertés.

Diffusé sur RFI.