L'Eglise anglicane en crise
Depuis plusieurs années l’Eglise anglicane est tiraillée par deux courants majoritaires : les progressistes et les conservateurs ou anglo-catholiques. C’est une véritable crise que la communion subit alors que le pape Benoît XVI va entamer la semaine prochaine une visite de trois jours en Grande-Bretagne.
Ils seraient plusieurs milliers, sur plus de 80 millions d’anglicans dans le monde, à regretter les évolutions de l’Eglise anglicane. Les anglicans conservateurs ou anglo-catholiques ont créé leur propre mouvement interne en 1991, la Communion anglicane traditionnelle (TAC – Traditional Anglican Communion).
Refusant l’ordination des femmes évêques et des homosexuels, ils rejettent aussi la possibilité d’une union entre personnes du même sexe, qu’ils soient dans ou hors du clergé. Cette minorité dans l’Eglise d’Angleterre ne reconnaît plus l’Archevêque de Canterbury, traditionnellement chef de l’Eglise d’Angleterre après le monarque. Leur mouvement a même son propre primat, John Hepworth, l'archevêque de l'Église catholique anglicane d'Australie.
En 2009, le Vatican leur a fait savoir qu’il pouvait rejoindre l’Eglise catholique romaine tout en conservant leur patrimoine liturgique et spirituel. Les anglo-catholiques n’ont pas encore acté leur séparation de la communion anglicane, mais l’idée a déjà forcé Rowan Williams à se faire plus consensuel. Il doit tenter de concilier trois tendances: les progressistes, les conservateurs et les partisans du statu quo.
Pourtant, selon Tom Heneghan, spécialiste des religions à l’agence Reuters, la situation n’est pas si désespérée qu’elle n’en a l’air. ''Beaucoup de ceux qui ont déclaré vouloir partir ne le feront pas. Pour le prêtre d’une paroisse par exemple, rejoindre l’Eglise de Rome signifie renoncer à son salaire et sa maison de fonction. Obligés de prendre une décision ferme, les conservateurs continuent d’hésiter et perdent de leur influence.'' En juillet, l’Eglise anglicane a d’ailleurs décidé de procéder aux ordinations de femmes évêques.
De vieilles fissures
La fronde des conservateurs n’est pas nouvelle, elle a débuté en 1970. Déjà les prélats anglicans se déchiraient sur la question de l’ordination des femmes à la prêtrise.
La rupture s’est faite plus menaçante à l’été 2008. Jusqu’alors, la Conférence de Lambeth réunissait tous les dix ans quelques centaines d’évêques invités par l’archevêque de Canterbury. Cette année-là, 300 d’entre eux ont refusé d’y assister. Mille cent conservateurs ont alors réuni un contre synode, le GAFCON (Global Anglican Future Conference), à Jérusalem. Bien qu’ils aient entamé un dialogue avec le Vatican depuis 2001, ils réclamaient encore ''un espace au sein de la vie de l’Eglise pour nous épanouir et grandir''.
Si la TAC rejoint le Vatican, il y aurait alors une Eglise anglicane romaine. Depuis sa création, en 1530 par le roi d’Angleterre Henri VIII, l’Eglise d’Angleterre se définit comme catholique non romaine ou catholique réformée. Elle a rejeté l’autorité du Pape. Le souverain d’Angleterre est son ‘’Gouverneur suprême’’, mais son influence est aujourd’hui minime. Selon Grégory Solari, directeur des éditions religieuses Ad Solem, ‘’la reine ne voit pas dans ces nouvelles possibilités d’ordinations quelque chose qui permettraient de donner une nouvelle vigueur à l’Eglise anglicane’’.
Mais l’Eglise anglicane n’est pas totalement protestante pour autant. Elle est née autant en opposition aux catholiques romains qu’aux protestants. Contrairement à ces derniers, les Anglicans reconnaissent la succession apostolique. Ils accordent aussi une place particulière à la Vierge Marie dont ils reconnaissent l’immaculée conception.
L’Eglise anglicane n’est plus uniforme depuis qu’elle s’est étendue hors d’Angleterre. Chaque Eglise nationale voire régionale a sa propre autonomie. Elle est aujourd’hui formée de 38 provinces ecclésiastiques à travers le monde. Toutes reconnaissaient l’archevêque de Canterbury comme leur chef symbolique et historique jusqu’à la création de la TAC en 1991.
La rupture n’est donc pas encore consommée. Rowan Williams ne cache cependant pas son pessimisme en déclarant que l’Eglise subit déjà ''un schisme qui ne dit pas son nom''.
Le pape Benoît XVI en visite en Grande-Bretagne du 16 au 19 septembre prochain devrait rencontrer Rowan Williams, la reine Elisabeth II et plusieurs représentants religieux. Selon Grégory Solari, le souverain pontif ne souhaite pas une déchirure consommée de la communion anglicane.
mbillon@france24.com
© Photo de présentation, Rowan Wilson, Droits réservés
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