Dominique Thomas : ‘’Un radical en Grande-Bretagne est un terroriste en France’’

Le 8 septembre dernier, une frape américaine dans la province du Penjab, dans le nord-est du Pakistan, a tué un citoyen britannique impliqué dans les réseaux d’Al-Qaïda. Abdul Jabbar était suspecté d’être le chef de l’Armée islamique de Grande-Bretagne. En 2005, le pays avait déjà été traumatisé par des attaques perpétrées sur son sol par des citoyens britanniques. Cinq ans plus tard et alors que la menace terroriste est très présente, Dominique Thomas, auteur de ‘’Le Londonistan, Le Djihad au coeur de l’Europe’’ revient sur la situation britannique.


Comment la Grande-Bretagne gère-t-elle les éléments radicaux sur son sol ?

Depuis le 11 septembre 2001, la Grande-Bretagne s’est engagée dans une forte répression des cercles radicaux. Elle a profondément changé ses lois en matière de terrorisme et instauré des mécanismes facilitant les arrestations et la détention d’activistes. Il y a le Terrorsim Act pour codifier les tentatives de violence contre la population civile, et le Public Act Order qui interdit de formuler des discours incitant à la haine. Beaucoup de lieu de cultes ont été fermés, et des prédicateurs ont été expulsés vers leur terre d’origine. Malgré tout cela, il reste encore aujourd’hui quelques résidus de groupes clandestins.

 

Alors pourquoi le pays n’intensifie-t-il pas ses mesures ?

La France et Grande-Bretagne n’ont pas la même perception de l’individu radical. Un radical en Grande-Bretagne est un terroriste en France. Outre-manche, il n’est pas interdit de développer des discours radicaux et doctrinaux tant qu’ils n’incitent pas directement à la haine ou à la violence ; en France une personne se permettant ce genre de discours serait certainement arrêtée. Grâce à cette relative tolérance, certains véhiculent des messages qui ne sont pas violents en tant que tel mais participent aiguillent l’auditeur vers des voies radicales. C’est une première étape qui ouvre éventuellement la voie à une seconde qui mène aux camps d’entraînement. Les Britanniques sont conscients de l’insuffisance de leur politique, mais ils ne peuvent pas remettre en cause leur philosophie et leur modèle de communautarisme. Nous parlons là de notions historiques, fondamentales et, pour certaines, constitutionnelles. La liberté d’expression est trop importante dans la culture anglaise pour être remise en cause.


Peut-on dresser un profil des radicaux et de leurs parcours ?

Il ne fait aucun doute que certains recherchent ces discours radicaux, en particulier les jeunes d’une nouvelle génération en mal d’intégration et qui cherchent plus de spiritualité. C’est surtout le cas chez les Pakistanais car la religion est la seule chose qui les différencie des Indiens. Plus précisément, je dirais que ceux qui sont vraiment séduits par les thèses radicales sont en majorité des jeunes nés en Grande-Bretagne mais originaires du nord du Pakistan, des zones tribales. A la base, ils veulent retisser des liens avec leur pays d’origine. Mais lors de leur séjour ils rencontrent nécessairement des éléments douteux car pour voyager dans ces régions, il faut avoir des relais et des connaissances. C’est ainsi qu’ils entrent dans des cercles radicaux. C’est un peu le parcours suivi par les terroristes des attentats de Londres.


Comment la Grande-Bretagne surveille-t-elle les éléments soupçonnés hors de son sol ?

La coopération bilatérale avec le Pakistan n’est pas aisée car l’administration pakistanaise n’est pas homogène. Certains sont favorables aux Talibans, d’autres ne le sont pas. La Grande-Bretagne se débrouille en majorité toute seule. Elle recense ses citoyens qui voyagent dans les zones sensibles puis essaie de voir qui revient et qui ne revient pas et dans quelle région se trouve celui qui reste. C’est là que l’enquête peut commencer. Les services analysent le parcours et l’entourage du suspect. Mais il faut relativiser, il y a des milliers de Britanniques qui vont au Pakistan chaque année, et il n’y en que quelques dizaines qui sont suspectés.

 

Propos recueillis par Marie Billon pour France 24

 

Dominique Thomas, ‘’Le Londonistan, Le Djihad au coeur de l’Europe’’ - Editions Michalon, 2005

 

 

 

Voir l'intervention de Dominique Thomas sur FRANCE 24 le 12 octobre 2010
 

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