Jane Czyzselska, rédac chef de «Diva»: «Les lesbiennes souffrent d'une double discrimination»
En exclusivité pour TÊTUE, Jane Czyzselska, la rédactrice en chef du magazine lesbien anglais «Diva», nous explique pourquoi la communauté lesbienne est plus développée en Angleterre qu'en France.
Pourquoi la communauté lesbienne est-elle plus développée en Angleterre?
Jane Czyzselska: C'est d'abord parce qu'être homophobe est tout simplement dépassé aujourd'hui. Cela ne signifie pas qu'il n'y a aucune forme d'homophobie, mais la majorité des Anglais a bien compris qu'il fallait accepter les changements et vivre avec son temps. Même les conservateurs l'ont compris! Les droits des homos ne sont plus un point de clivage entre la droite et la gauche en Angleterre. C'est même un label de modernité pour les Tories. Ici, l'Union civile pour les gens du même sexe (autorisé depuis 2005, NDLR) est célébrée comme n'importe quel mariage: avec faste et cérémonie. Le symbole est important, il dit aux familles qui pourraient encore éprouver de la gêne, qu'il n'y a rien d'honteux là-dedans. C'est même devenu un véritable business, ce qui contribue d'autant plus à la popularisation de ces unions. Tout cet environnement permet aux lesbiennes de mieux s'assumer. Dans un autre registre, il y pas mal de bars lesbiens à Londres et beaucoup de soirées exclusivement filles sont organisées, récurrentes ou ponctuelles. Les associations, les groupes de loisirs lesbiens sont aussi assez nombreux.
D'où vient cette ouverture de l'Angleterre?
L'Angleterre n'est pas un pays catholique mais protestant, sans être puritain. Je pense que cela a motivé sa tolérance envers l'homosexualité, (légalisée en 1967 contre 1982 en France, NDLR). Je pense que les choses ont vraiment commencé à bouger dans les années 70 lorsque de grandes figures de la télé ont fait leur coming out comme John Inman ou Larry Gayson avant lui. Pour les lesbiennes, c'est venu plus tard. Dernièrement, beaucoup de femmes connues sont sorties du placard comme Clare Balding et Jane Hill, célèbres présentatrices à la BBC. Cela a nourri la confiance et l'estime de soi des lesbiennes d'Angleterre. De manière générale, la télévision joue un grand rôle dans la mise en lumière de la communauté. La série The L Word a très bien marché ici, elle a montré aux gens que toutes les lesbiennes ne sont pas des camionneuses. La BBC s'est même inspirée du concept pour créer sa série Lip Service. J'ai tenu une chronique lesbienne dans le London Paper, journal qui n'existe plus aujourd'hui. Mais c'était un journal populaire, et accorder une rubrique entière aux questions lesbiennes montre à quel point la chose est devenue commune.
Où en est l'homophobie en Angleterre?
Elle est toujours très présente. Mais les lesbiennes souffrent d'une double discrimination: l'homophobie classique et le machisme. Dans notre société où l'on a souvent tendance à définir la femme par rapport à l'homme, on a encore du mal à imaginer comment fonctionnent les lesbiennes. Une étude récente a montré que dans les émissions les plus populaires de BBC1, les lesbiennes sont évoquées pendant seulement 29 secondes, et ce n'est que pour les dénigrer. En revanche, les gays essaient de plus en plus d'inclure les lesbiennes dans les gay prides et les organisations gays. De nombreuses poches d'action locales se forment dans tout le Royaume-Uni. Et il y a de plus en plus de blogs et de sites internet amateurs faits par et pour les lesbiennes. Des sites comme Stonewall – gay et lesbien – aident aussi les jeunes à se sentir plus entourés et d'avantage à leur place.
Pour aller plus loin:
Lire :'article que Jane Czyzselska à écrit à ce sujet dans le Guardian.
mbillon@france24.com
© Photo, Marie Billon.
Paru sur tetue.com le lundi 9 août 2010
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