"The Red Queen" ou l'autre côté de la Guerre des Roses, de Philippa Gregory

Après nous avoir fait vivre la Guerre des Deux Roses depuis la maison des York dans "The White Queen", Philippa Gregory nous emmène de l'autre côté, chez les Lancastre, avec "The Red Queen". Toujours avec le même brio.

                                

C'est un travail de skyzophrène qu'a produit Philippa Gregory. Et c'est un compliment!


"The Red Queen", le deuxième volet de sa trilogie sur les femmes qui ont participé à la fondation de la dynastie des Tudor est autant - si ce n'est plus - passionnant que le premier, "The White Queen".


Dans chacun des deux ouvrages, elle prend la voix d'une de ces femmes rivales qui souhaitent la mort des enfants de l'autre pour assurer le trône à sa propre lignée. L'auteure manie le "je" des deux côtés de l'histoire avec une grande dextérité.


La situation politique a beau avoir été d’une complexité à rendre les historiens prématurément chauves, Philippa Gregory simplifie l'histoire sans la détériorer. C'est tout l'intérêt d'écrire une série de romans sur la Guerre des Deux Roses : en personnalisant les faits, le récit est plus fluide, d'autant plus qu'il est aidé par une plume qui reste simple et coulante.


Margareth Beaufort

 

Dans ce deuxième opus, la romancière se penche sur le caractère et le rôle que Margareth Beaufort, la mère d'Henry VII - véritable fondateur de la dynastie des Tudor - a joué dans la Guerre des Deux Roses qui a déchiré l'Angleterre entre la famille des Lancastre (rose rouge) et des York (rose blanche) de 1455 à 1487. Les deux familles descendent du roi Edward III mais les Lancastre proviennent de son troisième fils et les York du quatrième, ce qui pose un problème de légitimité.


Philippa Gregory étudie aussi le caractère de Margareth Beaufort qui était réputée pour être très pieuse, mais aussi extrêmement froide et dure, notamment envers son fils avec lequel elle n'a jamais vraiment vécu et qui a passé une grande partie de sa vie en exil avec son oncle Jasper Tudor.

 

L'auteure prête d'ailleurs à ce dernier un amour partagé mais non consommé avec Margareth Beaufort. Mais Philippa Gregory fait intelligemment la différence entre la volonté de pouvoir à tout prix et le peu de liberté que les femmes possédaient, et notamment sur la manière dont elles souhaitaient élever leurs enfants - en particulier lorsqu'ils sont tour à tour l'espoir d'une partie du pays et la plus grande menace de l'autre.


L'auteure traduit les traits de Margareth Beaufort en les expliquant notamment par une admiration et une volonté d'imitation de Jeanne d'Arc. La pucelle d'Orléans a beau avoir combattu les Anglais, elle y était poussée par Dieu et a réussi à faire couronner son roi. Margareth se croit destinée aux mêmes victoires et ne cesse de se désespérer de devoir passer par des mariages et des alliances traitresses pour gagner ce que Jeanne a remporté au fil de l'épée. Mais ses manipulations finiront par permettre à son fils de gagner sa couronne sur un champ de bataille en triomphant de Richard III.


Histoire romancée et spéculations

 

Bien que Philippa Gregory ne se sépare jamais vraiment de la réalité historique, pour le salut du roman, elle se permet certaines spéculations. La plus grande est celle concernant les deux fils de ses rivaux, Elisabeth Woodville (the White Queen) et le roi Edward VI. Les deux enfants sont plus connus sous le titre des ‘’Princes dans la tour’’. Aucune trace des corps ou de la survie des deux jeunes héritiers de la maison des York n'a jamais été retrouvée dans la Tour de Londres ou ailleurs.


Mais Philippa Gregory imagine que Margareth Beaufort a elle même commandité la mort des deux jeunes garçons et fait enterrer leurs corps sous un escalier pour les déterrer au moment opportun et accuser Richard III d'avoir tué des neveux afin conserver la couronne de son frère ainé décédé.


Mais Philippa Gregory ne pousse pas l'imagination jusqu'à la manipulation historique et même Margareth Beaufort sera étonnée de ne pas retrouver les princes là où elle pensait les avoir fait enterrer.


L'auteure continue d'ailleurs le fil de son interprétation initiée dans "The White Queen" : le plus jeune garçon, Richard, n'aurait pas été enfermé dans la Tour de Londres avec son frère ainé. Sa mère l'aurait envoyé à l'étranger et échangé avec un autre garçon dans la Tour. A la fin de "The White Queen", Elisabeth York va retrouver son fils...


Philippa Gregory poussera peut-être l'exercice romanesque jusqu'à leur recréer une histoire dans le troisième et dernier tome qui portera sur la fille ainée de la dynastie York épousant le nouveau roi, l'héritier des Lancastre, mêlant ainsi les deux roses pour mettre fin à leur guerre. Le couple donnera naissance à plusieurs enfants, dont le futur Henry VIII.

 

Seuls deux romans traduits en français


L'ouvrage sur Elisabeth York ‘The Lady of the River’ sortira l'an prochain. Et tout l'art de Philippa Gregory est de savoir nous faire saliver à l'attente de son roman alors que l'on sait parfaitement comment l'histoire finira! La romancière connait son pouvoir : son site internet proposait le décompte, seconde par seconde, de la sortie de "The Red Queen", le 19 août dernier. Dans tous ses romans historiques, et même dans ceux qui n'ont qu'une toile de fond historique, elle parvient à hypnotiser le lecteur!


Il est donc extrêmement dommage que seuls deux de ses romans ont été traduits en français pour l’instant – les ouvrages de Philippa Gregory sont traduits en 26 langues dans le monde. Les deux seuls disponibles en version française aujourd’hui sont "Deux sœurs pour un roi" (15 500 exemplaires vendus) - aussi portée à l'écran avec Nathalie Portman, Scarlett Johanson et Eric Bana - et ‘’L’héritage Boleyn’’ (4000 exemplaires vendus, et sort le 6 avril 2011 en poche).


Les Editions de l’Archipels ont les droits pour la France et compte publier ‘The White Queen’ au printemps 2012. Elles pourraient aussi acquérir les droits de ‘The Red Queen’ mais les pourparlers n’ont pas encore été entamés, selon la maison d’édition.

 

 

marie.billon@gmail.com

 

Photos, droits réservés

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