Pour l'Angleterre, la conquête normande de 1066 est un moment charnière. Mais puisque le récit des batailles peut être rébarbatif pour le non historien. "The Conquest" de Stewart Binns est un délicieux compromis entre Histoire et histoires.

Qu'on se rassure, "The Conquest" n'est pas que le récit de multiples batailles. Stewart Binns en raconte certaines, en particulier la fameuse bataille d'Hastings en 1066, où le roi Harold a été vaincu par l'envahisseur normand, Guillaume le Conquérant. Mais il ne s'enfonce pas dans des détails d'une précision rébarbative. En tant qu'historien, il aurait pourtant pu céder à la tentation. Mais au final "The Conquest" est l'histoire savamment narrée et passionnante de Hereward of Bourne, plus connu sous le nom de Hereward the Wake qui a vécu au XIème, et peut-être jusqu'au début du XIIème, selon le récit de Binns.

Héros populaire

Si Hereward est un héros populaire, et malgré les nombreuses gestes écrites à son sujet, très peu de détails sont parvenus jusqu'à nous. "The Conquest" est donc un récit romancé - ultra romancé - de ce que Hereward fut peut-être.

Binns fait de lui LE héros et le champion des Anglais qui veulent rester Anglais - même si cela, l'auteur le montre bien, ne veut pas dire grand chose puisque l'Angleterre de cette époque est déjà composée de peuples très différents et pas toujours amis. Hereward, par exemple, aurait des ancêtres Danois.

L'Histoire du côté des vaincus

C'est pourtant l'histoire du coté des vaincus que Binns raconte, ou presque, car Hereward n'a pas bouté Guillaume de Normandie hors d'Angleterre. Le guerrier à la jeunesse tumultueuse - il a été déclaré hors-la-loi par Edouard le Confesseur - aurait acquis assez de sagesse pour admettre quand une cause est perdue. Il aurait donc modifié son but devant son échec militaire inévitable.

Renonçant à débarrasser l'Angleterre de Guillaume, il s'est battu pour que les coutumes et la culture de son pays ne soient pas saccagées par les Normands, et pour qu'un début de règne sanguinaire se transforme en une gestion paisible et juste du pouvoir. Le fait est que, historiquement, Guillaume fut d'abord un conquérant sans pitié, mais plus tard, il devint un souverain plus juste.

"Le premier des Anglais"

C'est pour cela que les historiens ont retenu Hereward comme le dernier des Anglais. Mais Binns préfère voir en lui "le premier des Anglais".

Au-delà de ces récits historiques, Binns invente un Hereward attachant, marié et profondément amoureux de la fille d'un voyant, Torfida. L'auteur extrapole à partir de la matière historique, notamment lorsqu'il place Hereward à la tête dune famille élargie composée de plusieurs de ses compagnons et de leurs familles, puis de plusieurs innocents qu'ils auraient sauvé au grè de leur chemin.

Car Hereward et ses compagnons ne restent pas qu'en Angleterre. Ils se font mercenaires et parcourent l'Europe et une partie de l'Asie. Les rencontres avec les personnages historiques se succèdent, et Binns reste fidèle aux faits dans la plupart des épisodes.

"The Conquest" est un livre passionnant pour ceux qui veulent mieux connaitre l'Angleterre à la charnière de 1066. Si sa romanticisation -parfois à outrance- pourra en gêner certains, c'est aussi ce qui rend ce livre impossible à poser avant la fin. Car même si, comme tout roman historique, on sait plus ou moins comment l'histoire se termine, Binns a si bien attaché le lecteur au personnage de Hereward qu'il veut absolument savoir ce qu'il devient après ses défaites.

marie.billon@gmail.com

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