Chronique du 18 juin 2011. La question de la légalisation du cannabis fait des vagues des deux côtés de la Manche après qu'une commission internationale a appelé les gouvernements à marcher dans cette direction.

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Faut-il légaliser le cannabis ? Le pavé jeté dans la marre par une commission internationale le 2 juin dernier a surtout éclaboussé la France et le Royaume-Uni. Même Courrier International, avec son article ‘’Coup de hache dans le hash’’ - facile le jeu de mot - remarque que c'est dans ces deux pays que le débat a pris avec le plus d’intensité.

Alors pourquoi ?

Peut-être parce que d’un côté de la Manche, on a un Premier ministre, David Cameron, qui a avoué, contraint et forcé - avoir fumé des substances illicites lorsqu’il fréquentait Eton, la prestigieuse et très élitiste école. Et peut-être aussi parce que de l’autre côté de la Manche, on a un président réputé pour se bourrer de calmants comme le Lexomil. Les Guignols de l’info en avaient même fait le leitmotiv de Nicolas Sarkozy au début de son mandat.

Mais au-delà, il y a des raisons plus politiques liées à l’histoire des deux pays et à leur actualité. En France, c’est une question qui pourrait bien devenir un enjeu pour la présidentielle de 2012. Le candidat des Verts sera très certainement favorable à la légalisation. Le Parti Socialiste réfléchit toujours, tandis que dans les rangs de la majorité présidentielle, on ne pourrait pas être plus contre.

Le débat s’est posé avec encore plus d’acuité lorsque Stéphane Gatignon, le maire Vert de la ville de Sevran, s’est appuyé sur un fait divers tragique pour étayer ses arguments : une petite fille de neuf ans a été blessée début juin lors d’une fusillade entre la police et des trafiquants.

Pour le maire de Sevran, légaliser le cannabis permettrait de mettre fin à cette petite délinquance. Argument auquel le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, répond que les trafiquants se réorienteraient vers des drogues dures, aggravant un peu plus la violence. Il avance aussi l’argument santé selon lequel le cannabis n’est pas sans danger pour les poumons et qu’il augmente la sensibilité à certaines maladies mentales.

De l’autre côté de la Manche, les arguments sur la santé et la délinquance restent les mêmes dans la majorité conservatrice. Les Lib-Dems par contre sont étrangement absents du débat. Avant les élections, Nick Clegg s’était déclaré favorable à un adoucissement de la législation anti-drogue, une position qu’il a oubliée en entrant dans la coalition.

Le Parti Travailliste, lui aussi, reste étrangement silencieux. Mais c’est parce que l’une des grandes guéguerres entre Tony Blair et Gordon Brown s’est livrée à coup de résine de cannabis !

En 2005, Tony Blair avait dégradé le cannabis de la classe B à la classe C. Cette décision ne décriminalisait pas la substance mais se traduisait par des peines réduites pour les usagers. Finalement, en 2009, Gordon Brown a effectué un fameux U-turn, comme on dit en anglais, une volte-face, en remettant le cannabis dans la Classe B.

Aujourd’hui, crise oblige, des deux côtés de la Manche, on cherche à économiser à tours de bras. Or, la légalisation du cannabis, une drogue qui ne fait finalement pas beaucoup plus de mal que le tabac ou l’alcool, permettrait d’économiser des millions d’euros. A titre d'exemple, la France injecte chaque année 800 millions d’euros dans la lutte contre la drogue.

Eviter les procédures judiciaires lourdes pour chaque petit consommateur permettrait de dégager du temps et de l’argent pour la plus grande délinquance.

L’argument est exactement le même au Royaume-Uni où les policiers appellent de leurs vœux ce genre d’initiative pour pallier les suppressions de postes imposées par le plan de rigueur de la coalition.

Finalement, pour se décider, Londres et Pars devraient peut-être s’inspirer des Pays-Bas par exemple, où le cannabis est légal depuis les années 70 ! Eh bien non, car Amsterdam commence justement à faire marche arrière ! Après cet été, les touristes ne pourront plus consommer d’herbe ! Seuls les détenteurs d’un ‘’passe cannabis’’, accessible aux seuls résidents des Pays-Bas, pourront se fournir dans les fameux coffee-shops.

C’est du pur suicide touristique selon certains, puisque les badots représentent 70% des ventes de cannabis. Mais les douaniers belges et français ont en assez de courir après les touristes pour leur demander de vider leurs sacs à leur retour d’Amsterdam !

Malgré le revirement néerlandais, on peut déjà dire que les Britanniques sont un peu moins coincés que les Français sur la question. Le 3 juin, deux journaux aux sensibilités politiques très proches, The Independent et Libération titraient tous les deux sur le rapport de la commission préconisant de légaliser le cannabis.
Le titre de The Independent est presque un cri du cœur : ‘’Legalise cannabis and ecstasy now’’, ‘’Légalisez le cannabis et l’ecstasie maintenant’’. Le titre de Libération ne se mouille pas l’orteil. Avec une photo d’herbe en fond, le journal demande timidement ‘’Légaliser ?’’.

Autre preuve que les Anglais sont plus décontractés, des célébrités comme le chanteur Sting ou Sir Richard Branson, le patron de Virgin, ont écrit à David Cameron pour lui demander de faire sa fête à la loi sur le mauvais usage de la drogue a l'occasion de son 40ème anniversaire, pas du premier ministre mais de la loi. Quoique David Cameron n'est guère plus vieux...‘’Ce texte de loi, qui remonte donc à 1971, coûte cher aux contribuables et fait du mal à la société’’, ont-ils écrit. Pour stimuler le débat, Channel 4, va même diffuser une véritable prise de drogue dans l'une de ses émissions scientifiques.

Finalement, les Anglais ont tort de se mettre la rate au court bouillon parce que, début avril, David Cameron a déjà signé une pétition pour la légalisation du cannabis. Il l’a même fait à la télévision ! Sauf que le Premier ministre ne savait pas ce qu’il signait. Croyant encore à l’innocence des enfants, il a signé une pétition que lui tendait un jeune garçon lors du Jamie’s Dream Show sur Channel 4. Si ce paraphe vaut son pesant de cacahuètes, il ne vaut pas encore son pesant de résine de cannabis.

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''Comparaison n’est pas raison'' sur French Radio London, le samedi après 17h30, le mercredi après 20h00 et le vendredi après 13h30 (heures françaises). "Comparaison n'est pas raison", c'est le regard étonné et amusé d'une Parisienne sur l'actualité britannique. Parce qu'essayer de comprendre l'Outre-Manche à travers des codes hexagonaux aboutit souvent à un résultat tiré par les cheveux.

marie.billon@gmail.com