Chronique du 16 juillet 2011. Le scandale des écoutes de News of the World n'en fini pas de rebondir. Cette fois, c'est au tour de la presse françaises de pointer du doigt ses confrères anglais pour leur déontologie.

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Ce n'est pas la fin du monde, certes, en revanche, c'est bien la fin d'une ère. L'annonce de la fermeture de News of the World en a choqué plus d’un. On ne s'attendait pas un harakiri de la part de Rupert Murdoch.

Pourtant, "Adieu monde cruel" comme l’a écrit le Daily Telegraph. La veille, le Sun avait titré, c’est "la fin du monde", ‘’the world's end’’. Le tabloïd faisait ses adieux à son titre frère; le Daily Telegraph a suivi et renchéri : son ‘’adieu monde cruel’’ a peut-être des airs de tragédie, mais le News of the World est sans doute au moins autant cruel.

Cruel, le tabloïd l’aurait été en espionnant le portable d’une adolescente kidnappée, Milly Dowler. Il a aussi apparemment mis sur écoute les conversations de familles de victimes des attentats du 7 juillet 2005 à Londres, ou celles de soldats morts au combat.

Le journal Libération est lui aussi resté dans la veine des jeux de mots sybillins avec son titre "Very bad News of the World" qu'on peut traduire soit par "Très mauvais, ou très méchant News of the World", soit "Très mauvaises nouvelles du monde".

Très mauvaises nouvelles pour le monde du journalisme en général. Car c'est tout le fonctionnement de la presse britannique qui est remis en cause. David Cameron a d'ailleurs annoncé "une réflexion sur l'éthique et la culture de la presse".

Pour The Independent, "la condamnation est trop large, tous les journaux ne sont pas comme News of the World’’. Ils n'utilisent pas tous des méthodes illégales.

La presse française, qui porte encore les stygmates de l'auto-flagellation de l'affaire DSK, a largement relayé ce mea culpa des médias anglais… bien que le site de TF1 se demande si cela va suffire.

En tout cas, les journalistes français n'ont pas envie de rouvrir leurs plaies, pas encore cicatrisées, en se demandant s’ils sont irréprochables dans leurs méthodes.

Ce serait pourtant une option, à en croire une dépêche de l'Agence France Presse qui cite l'utilisation des caméras cachées comme l'une des méthodes répréhensibles et condamnables. En effet, la caméra cachée, c'est le concept de l'émission de David Pujadas sur France 2, "Les infiltrés".

Dans leur ensemble, les médias français estiment peut-être qu'ils serait mal venu de jeter la pierre à leurs confrères d'Outre-Manche en matière d' écoutes téléphoniques, car ils ne sont pas franchement intouchables.

On se souvient par exemple de l'affaire des écoutes de l'Elysée. Les médias en furent à la fois les victimes et les héros, car ce sont eux, Libération en tête, qui ont flairé l'entourloupe, une entourloupe made in l'Elysée.

Une cellule avait été créée en 1982 pour notamment trouver les coupables de l'attentat de la Rue des Rosiers à Paris. En même temps, cette cellule avait aussi été utilisée pour éviter que la presse ne révèle l’existence de Mazarine Pingeot, la fille cachée du Président d’alors, François Mitterrand.

Le scandale français concernait des hommes et des femmes publics. Comme le souligne Libération, pour News of the World, le ‘’vent a tourné’’ à "l'instant précis où les riches et les puissants n'ont plus été les seules cibles’’.

Pour France Soir, c'est carrément une "adolescente déjà morte qui sera venue à bout’’ du tabloïd. Que des citoyens lambda, des lecteurs potentiels de News of the World, aient pu faire les frais de ces méthodes était tout simplement insupportable.

Mais si News of the World était si détestable, pourquoi alors sa disparition est-elle une tragédie ? Pourquoi le Monde écrit-il une "nécrologie" de l'hebdomadaire à scandales et à sensations ? Tout simplement parce que c'était une véritable institution britannique vieille de 168 ans. En France, seul le Figaro peut se targuer d’être plus vieux, lui qui a 185 ans d'âge.

Mais la mort de News of the World a aussi les dimensions d'un scandale politique puisqu'Andy Coulson, ancien rédacteur-en-chef du tabloïd, fut le chef de la communication de David Cameron.

Jusqu'au 13 juillet, des deux côtés de la Manche, beaucoup auraient parié que le suicide News of the Wolrd n'avait qu'un but : sécuriser les chances du groupes de Murdoch dans le rachat de BSkyB. Mais le magnat de la presse y a renoncé juste à temps pour éviter une humiliation à la Chambre des Communes.

Aujourd'hui, ce n'est plus uniquement News of the World qui est mis en examen, c'est tout le groupe de Murdoch, et jusqu'aux Etats-Unis. La-bas le FBI va chercher à savoir si des familles de victimes du 11 septembre n'auraient pas, elles aussi été mises sur écoute.

Pour l’instant, comme l'écrit le Monde, c’est bien ‘’l’arroseur arrosé’’, mais le quotidien français ne parle peut-être pas uniquement de News of the World.

Il y a deux mois, la presse britannique tombait à bras raccourcis sur son pendant français, lui reprochant ses relations avec les puissants. Aujourd’hui, ce sont les journalistes français qui dénoncent la presse de caniveau et tansent leurs confrères d’Outre-Manche.

L’arroseur arrosé, c’est toute la presse britannique… tant qu’aucune goute d’eau des ''écoutes’' ne vient pas se poser subrepticement sur les médias de l'Hexagone.

''Comparaison n’est pas raison'' sur French Radio London, le samedi après 17h30, le mercredi après 20h00 et le vendredi après 13h30 (heures françaises). "Comparaison n'est pas raison", c'est le regard étonné et amusé d'une Parisienne sur l'actualité britannique. Parce qu'essayer de comprendre l'Outre-Manche à travers des codes hexagonaux aboutit souvent à un résultat tiré par les cheveux.

marie.billon@gmail.com