Les Britanniques restent babas devant le verbe ‘’empapaouter’’ employé par Martine Aubry
L’emploi du verbe ‘’empapaouter’’ par Martine Aubry, candidate à l’investiture socialiste, a de quoi surprendre les Britanniques. Un article de The Independent souligne bien ce malaise, et par la même occasion, une petite ligne de fracture entre les deux côtés de la Manche.
The Independent est choqué ! Choqué qu’en France, on utilise des périphrases graveleuses pour critiquer ses adversaires politiques. Lors du débat qui l’a opposé à François Hollande, mercredi 12 octobre, Martine Aubry a dit : ‘’Les Français ont l'impression que les politiques veulent les empapaouter’’.
Empapaouter ! Un terme coloré pour éviter de dire un gros mot. Il signifie - si on prend des pincettes - ‘’se faire avoir’’ ou – avec de gros sabots - ‘’se faire enculer’’.
Dans son article, John Lichfield a du mal à traduire le mot et s’y reprend à deux fois. Il explique d’abord sobrement que ‘’empapaouter’’ est un ‘’verb transitive, to bugger’’. Puis avec plus de détails : ‘’Linguistic note: empapaouter can also mean "cheat" or "screw". In contemporary usage, it is mostly used to mean "bugger"‘’. Il est vrai que la langue anglaise n’est pas blessed with a world as colourful as ‘’Empapaouter’’. Pour le traduire, il faut immédiatement être vulgaire. Peut-être le terme pourrait-il entrer dans la langage courant. ‘’To get empapaouted’’ sonne plutôt bien !
Si, pour l’instant, John Lichfield a l’air un peu déstabilisé par l’utilisation de ce terme, les Français s’en amusent et n’ont pas peur de l’utiliser. Comme le rapporte The Independent, Europe 1 a demandé à François Hollande s’il avait l’impression que Martine Aubry avait essayé de l’empapaouter personnellement. L’ancien premier secrétaire a répondu : ‘’je n’ai rien senti’’. Une réponse très imagée.
‘’A nos femmes, à nos chevaux, et à ceux qui les montent''
Les Socialistes semblent apprécier le verbe. Jack Lang, alors conseiller spécial de Ségolène Royal, s’était interrogé ainsi en 2007 : ‘’Va-t-on continuer à se laisser empapaouter, gruger par un monsieur Sarkozy (…)’’.
Mais il faut dire que les politiciens français n’ont pas peur des bons mots graveleux. On se souvient de Dominique de Villepin qui avait dit avant la présidentielle de 2007 : ‘’ La France, elle a les jambes écartées. Elle attend désespérément qu’on la baise : ça fait trop longtemps que personne ne l’a honorée’’.
Jacques Chirac avait aussi fait sien un toast cavalier, c’est le cas de le dire : ''A nos femmes, à nos chevaux, et à ceux qui les montent''. C’est - notamment - grâce à ce genre de phrases très franchouillardes que l’ancien président de la République a gagné et conservé son titre de ‘’gars sympa’’.
De l’autre côté de la Manche, on a le cœur moins bien accroché. On crie au scandale lorsque le Premier ministre ose dire à une membre des Communes ‘’Calme down dear, calm down. Listen to the doctor’’.
‘’OH FUCK!’’
Mais ne prenons pas les Britanniques pour des prudes sans espoir. On se souvient de la couverture du très sérieux hebdomadaire The Economist, le 22 septembre 2008, en plein milieu de la crise économique : ‘’OH FUCK!’’.
On a pardonné à The Economist, parce qu’il a dit tout haut ce que tout le monde pensait plus ou moins bas. En revanche, David Cameron a dû s’excuser plusieurs fois. Mais personne n’a jamais demandé des comptes à Jacques Chirac. Et personne n’en demandera véritablement à Martine Aubry, peut-être parce qu’elle est une femme et que son genre à de nombreux siècles de vexations à rattraper.
La question qu’il faut peut-être se poser, après l’affaire DSK et les levées de boucliers des féministes, est la suivante : peut-on se réjouir qu’une femme puisse utiliser ce type de langage s’en qu’on dise d’elle qu’elle est grossière ? Car le terme a beau être coloré, il reste grossier.
(Pour ce post, please, excuse my French!)
marie.billon@gmail.com
0 Comments
Poster un nouveau commentaire