Le marché de l'art londonien boosté par la crise
On a beau parler de la crise et de ses répercussions tous les jours, il y a certains secteurs qui ne sont pas profondément touchés, et qui, même, en bénéficient. C’est le cas du marché de l’art international. Londres contribue largement à cette bonne santé. Après un ralentissement en 2009, le marché de la capitale britannique est plus en forme que jamais avec une croissance de 59% entre 2002 et 2009. Londres est depuis longtemps un carrefour international du marché de l’art, et est désormais la première place en Europe, la troisième au niveau mondiale selon Art Economics. Elle détient plus de 22% du marché international. Mais pour arriver à ce résultat, les marchands de la capitale ont dû s’adapter.
Cela fait près de 40 ans que Peter Petru est marchand d’art à Londres. Mais ces dernières années ont été parmi les plus lucratives de sa carrière. Le sourire aux lèvres, il défie la crise devant son stand de la nouvelle foire londonienne, Masterpiece.
Pierre Petru
Je ne crois pas que la crise nous ait vraiment affectés, nous les marchands d’art. Parce que si vous proposez la bonne œuvre au bon collectionneur, vous verrez que les acheteurs sont toujours sur le marché. En fait, nos ventes se sont même améliorées ces deux dernières années.
Ce sont deux années fructueuses après une année 2009 difficile. Cette année-là, les ventes réalisées au Royaume-Uni ont chuté de 21%. Une petite centaine de marchands d’art a dû fermer boutique selon la British Antique Dealers Association. Le marché a donc dû s’adapter : pas tant aux conséquences de la crise mais à l’apparition d’un nouveau type de clients. C’est l’analyse de Michèle Beney, marchande britannique installée à Londres et à New York.
Michèle Beney
Quand la crise a commencé, il y a eu quelques mois où tout le monde est resté figé, et n’achetait plus rien. Mais ensuite, les gens ont eu peur de laisser leur argent en banque, ils ont donc voulu investir dans des choses de valeurs. Et donc, tout d’un coup, les prix se sont envolés. Plus les pièces étaient précieuses, plus leur prix augmentait. Certains types d’œuvres d’art ont connu un succès véritablement fulgurant : les bijoux par exemple, ou l’art asiatique. Dans le monde entier la tendance est d’investir dans quelque chose qui puisse protéger votre argent.
Et Londres a largement bénéficié de cette tendance à faire de l’art une valeur refuge. L’explication est simple selon Pierre Petru.
Pierre Petru
Londres est une ville internationale. Il y a une communauté d’étrangers très aisés vivant à Londres à l’année. Beaucoup viennent du Moyen Orient ou de l’Extrême orient. Donc, plus encore que New York, c’est une vraie plaque tournante de la Jet set internationale. Pour un marchand d’art, c’est l’endroit où il faut être.
C’est pour cela que Londres ne pouvait pas faire l’impasse sur une grande foire annuelle après la mort de la fameuse Grosvernor House Fair en 2009. C’est bel et bien la crise qui a mis fin à ce rendez-vous vieux de près de 80 ans. Pour que la capitale ne perde pas sa place sur le marché international de l’art, un groupe de spécialistes a très rapidement mis en place une nouvelle forme de foire : une foire multi fonction. A Masterpiece, on passe devant des tableaux de la Renaissance, avant d’arriver devant les voitures de collection, puis les vins et champagnes, les sculptures, les bijoux, etc. Sa configuration, explique Philip Hewat-Jaboor, le directeur de la foire, rappelle cependant un concept plus terre à terre : celui d’un super marché.
Philip Hewat-Jaboor
Si vous venez ici pour voir un marchand de tableaux anciens, vous devez passer devant des stands très différents comme un antiquaire ou un vendeur de montres anglaises du début du XVIIIème siècle par exemple. Et ces différentes disciplines, amènent des profils de visiteurs complètement différents, qui ne seraient pas très à l’aise en achetant des meubles du XVIIème siècle. L’objectif de cette foire est de donner une visibilité très large à des objets que les visiteurs n’auraient pas eu l’opportunité de voir autrement.
Mais Philip est très conscient des exigences du marché actuel.
Philip Hewat-Jaboor
Le marché du grand luxe est plus fort, plus résistant, et plus sollicité que le marché intermédiaire qui n’est pas très en forme pour l’instant, du moins dans certains domaines. Enfin, les pièces plus abordables, sont toujours très en vogue parce que les choses bougent beaucoup. Il y a toujours des gens qui re-décorent leur maison, et il y a de très bonnes opportunités.
Le marché de l’art londonien se porte donc bien malgré la crise, et les grandes maisons d’enchères londoniennes, ont fait ces derniers mois un chiffre d’affaire pharamineux. Les marchands d’art ont ainsi pu élargir leur clientèle. Ils espèrent maintenant un retour de la croissance pour délier plus encore le porte-monnaie de ces nouveaux collectionneurs.
Diffusé sur RFI.
marie.billoin@gmail.com
0 Comments
Poster un nouveau commentaire