David Cameron a certainement laissé quelques plumes dans le vote que Westminster a tenu lundi 24 octobre. Bien que 483 parlementaires ont voté contre l’organisation d’un référendum sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, le nombre de conservateurs ayant ignoré les consignes du Premier ministre est quasi historique.

Non, les Conservateurs n’ont pas été humiliés. Ils n'ont pas été désavoués par le vote du Parlement sur l’organisation d’un référendum sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne, assure Michael Gove, le Ministre de l’Education britannique. Les résultats du vote sont effectivement ceux que le Premier ministre, David Cameron, appelait de ses vœux – un ‘’non’’– mais il cache mal la rébellion des parlementaires conservateurs.

Sur 646 parlementaires, 111 ont voté ‘’oui’’, 483 ont voté ‘’non’’. Mais un conservateur sur quatre a voté ‘’oui’’. Plus précisément, ils sont 81 à avoir voté contre les consignes de vote de David Cameron, deux ont voté à la fois ‘’oui’’ et ‘’non’’ et12 se sont abstenus, selon la BBC.

Cameron contre le référendum, pour renégocier les Traités

David Cameron était contre la tenue de ce vote aux Communes et encore plus contre la tenue d’un référendum. Il a toujours affirmé que sortir de l’Union européenne serait une erreur puisque plus de 50% des exportations du pays sont destinées aux partenaires européens. La période d’incertitude menant au vote réel serait, elle aussi, très dommageable à l’économie britannique, selon lui.

Le Premier ministre souhaite renégocier les Traités pour obtenir que la Grande-Bretagne retrouve certains pouvoirs dévolus pour l’instant à Bruxelles lorsque l’heure sera venue (peut-être dès décembre 2011 murmure-t-on dans les couloirs bruxellois). Mais la priorité aujourd’hui, pour David Cameron, est de sauver la zone euro parce ‘’lorsque la maison de votre voisin brûle, vous l’aidez à éteindre le feu pour que les flammes n’atteignent pas votre maison’’, estime-t-il.

Philip Davies, l’un des plus fervents partisans d’un référendum, estime que le Premier ministre se trompe de partenaire commercial. Selon lui, le futur de la Grande-Bretagne n’est pas dans la vieille Europe mais ‘’en Chine, en Inde, en Amérique du sud, et dans les pays émergents africains’’.

Un parlement frondeur

L’issue du vote était certaine puisque les Libéraux-démocrates, partenaires de coalition très pro-européens, et les Travaillistes avaient déjà annoncé qu’ils voteraient contre la tenue d’un référendum.

Mais il reste que 81 membres des Communes conservateurs ont ignoré le ‘’Three-line whip’’ du Premier ministre. Ce concept parlementaire anglais est la plus haute injonction qu’un chef de parti peut donner. Sa consigne est considérée comme une obligation absolue. Chaque membre doit être présent au vote et voter dans la direction indiquée. Toute rébellion peut causer l’expulsion du parti ou du groupe parlementaire.

Cet outil n’est que très rarement utilisé. Le nombre de parlementaires l’ayant ignoré est d’autant plus symbolique. Dans l’histoire récente, les plus grandes rebellions de parlementaires conservateurs – réputés pour avoir une discipline de parti exemplaire - n’ont jamais dépassé les 50 parlementaires. The Independent rappelle que 18 avait ignoré les consignes de Edward Heath, sur la marché commun, en 1972 ; 19 celles de Margaret Thatcher sur EC (Finance) Bill ; et 41 avait défié John Major en 1993 en s’opposant au Traité de Maastricht.

Pourtant, une étude menée en décembre 2010 par les professeurs Philip Cole et Mark Stuart de l’Université de Nottingham avait déjà révélé que le Parlement issu des élections de mai 2010 était le plus rebelle que le pays a connu depuis 1945. C’était aussi le premier donnant naissance à une coalition. Mais dès le début de cette législature, les membres des Communes conservateurs ont plusieurs fois ignorés les conseils des Whip – chargés de la discipline de parti. En décembre 2010, 103 parlementaires sur les 364 que compte la majorité de la coalition, soit près d’un tiers de celle-ci, avaient voté au moins une fois contre les projets du gouvernement.

La rébellion des conservateurs se situait le plus souvent au niveau des projets européens. En coalition avec les Libéraux-démocrates, David Cameron a dû mettre de l’eau dans le vin d’euroscepticisme de son parti.

Des rebellions qui vont diminuer

L’étude montrait même que le parlementaire le plus rebelle était un conservateur : Philip Hollobone, qui a voté 44 fois contre la ligne de son parti, soit sur plus de 27% des votes.

Une autre tradition a été ébréchée qui était tout aussi solide que le ''three-line whip'' : il s’agit de la solidarité gouvernementale. Cette fois-ci deux collaborateurs de ministres ont démissionné pour voter contre la ligne directrice de David Cameron.

Une mise en minorité du gouvernement de coalition pourrait lui être fatale. C’est loin d’être le cas ici. Mais de nombreux conservateurs reprochent à David Cameron de sacrifier les principes de son parti depuis qu’il a formé une coalition avec Nick Clegg. Les rébellions n’étaient donc pas une grande surprise pour le 10 Downing Street, mais une fronde d’une telle ampleur l’était certainement.

Il n’est cependant ni dans l’intérêt du gouvernement ni dans celui du parti de continuer ce genre de guerres internes. Elles se calmeront d’elles-mêmes à l’approche des prochaines élections. D’autant plus que William Hague, le ministre des Affaires étrangères, a déjà prédit que l’Europe serait une des principales lignes de fractures entre les Conservateurs et les Libéraux-démocrates.

marie.billon@gmail.com